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Dictionnaire de l'image

2019 / 1h30 / HD

Vidéo et installation réalisées dans le carde de la Résidence d'artiste Villa Saigon - L'Institut français en partenariat avec A.Farm - Hochiminh ville

Texte écrit par Levi Masuli

Assis ici, je regarde deux personnes frapper du fer chauffé à tour de rôle, pour fabriquer un couteau. Je les regarde en silence, et suis témoin de la transformation d’un matériau en un autre. Une fois, Linh mentionna que, selon la Bible, avant qu’il y ait quoi que ce soit, il y avait la Parole. Même avant la lumière et le son, il y avait le Langage dans sa forme la plus primaire. En effet, dans son Dictionnaire de l’Image, le langage lui-même est soumis à l'alchimie. Un mot devient un couteau, un tracteur, un appartement, une assiette de vers.

 

Mais ses artifices sont loin d’être banals. Bien que les matériaux utilisés soient des matériaux du quotidien, leur transformation est faite de manière intelligente, aussi étrange soit elle. Nous entendons des chansons d’enfants sur des images d’industrie, puis un engin de chantier qui écrase des gravats sur une route non pavée sur des images de jeunes danseurs dans le parc. Comme les débris et les photos de chantiers de construction dans l’installation de Linh, le son et les images sont articulés plutôt maladroitement dans son film et, précisément, c’est cette maladresse qui permet à ces formes étranges de se matérialiser.

 

J'ai été chargé d'écrire à propos de la bande sonore de son film, mais même là réside une difficulté1. Dans ce dictionnaire d'images, le son est accroché au film comme un morceau de bâche réutilisé sur un bâtiment construit à la hâte, s’agitant maladroitement. Nous entendons le grincement des engrenages et des boulons du trépied, le bruit du vent qui s’engouffre dans le micro, les doigts réglant l’objectif. Nous entendons les sons des sons eux-mêmes, les traces de leur captation. Nous n'entendons donc pas seulement les paroles mais également les halètements, les torsions et les mouvements de langue, la respiration qui passe du nombril à la bouche.

 

Et à partir de là, je commence à échouer dans la tâche qui m’a été confiée, au risque de construire un autre artifice, qui n’est pas celui de Linh. Laissez-moi m’arrêter et le démolir. Ensuite, laissez-moi ramasser chaque fragment de langage et le placer soigneusement à côté de ces pierres, ces photographies déchirées, ces lanternes, ces souvenirs aléatoires. Je vous mets au défi de prendre tel ou tel objet, tel ou tel son, tel ou tel mot, de le tenir proche de votre oreille et d’écouter ses petits bruits. Ensuite, regardez en silence comment il se fond en quelque chose d'autre. 

 

 

* Les gens disent souvent qu'essayer d’écrire sur la musique ou le son, c’est comme essayer de danser sur une structure architecturale

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